Racism is a Crime, Solidarity is Not

Le racisme est un crime, la solidarité ne l’est pas

Histoire

L’histoire de la Tunisie est marquée par des luttes contre l’esclavage, la colonisation et la dictature. Cependant, le gouvernement répète les mêmes schémas d’oppression, aujourd’hui, cette fois en utilisant le racisme, les frontières et les prisons pour contrôler et diviser. Ceci a commencé en février 2023, lorsque le président Kais Saied a prononcé un discours raciste qui a transformé le racisme sociétal et structurel en politique officielle de l’État, donnant ainsi le feu vert à de multiples pratiques racistes et discriminatoires.

Les discours et politiques racistes propagent, quotidiennement, davantage de haine et de violence en Tunisie : de la diffusion de théories infondées et de mensonges statistiques sur un prétendu « changement démographique », à l’attisement de sentiments haineux via de fausses informations et des nouvelles trompeuses, le tout sous couvert de slogans sur la sécurité nationale.

Et pourtant, lorsque des personnes manifestent de la solidarité, elles sont visées:

Saadia Mosbah, militante féministe Noire, est emprisonnée pour avoir défendu les droits des Tunisien.ne.s Noir.e.s et des migrant.e.s. Abdallah Saied, militant Noir à Médenine, est détenu pour avoir aidé des migrant.e.s à survivre. Sonia Dahmani, avocate et animatrice radio, est emprisonnée pour avoir dénoncé publiquement le racisme et critiqué les conditions carcérales en Tunisie. Cherifa Riahi est poursuivie pour son travail humanitaire auprès des migrant.e.s. Rached Tamboura, calligraphe et peintre, a payé le prix fort pour sa dissidence : deux ans de prison pour un graffiti dénonçant les discours racistes du président tunisien.

Ce ne sont là que quelques noms parmi cellux que nous connaissons. Derrière elleux, se tiennent des centaines d’autres, souvent sans visibilité ni « citoyenneté ». De nombreuses personnes migrantes Noires sont également détenues en Tunisie, tandis que leurs familles et proches tentent de les retrouver ou d’assurer leur sécurité.

Problèmes

La criminalisation de la migration et de la solidarité avec les migrant.e.s en Tunisie n’est pas un accident, c’est un outil.

Les autorités tunisiennes procèdent à des expulsions illégales, abandonnent des personnes migrantes Noires dans des zones désertiques, les laissent mourir de soif et de faim. Elles isolent aussi des milliers d’autres dans des camps reculés où iels subissent de graves violences et discriminations et oú elles n’ont pas accès aux services de base.

Les Tunisien.ne.s noir.e.s sont également confronté.e.s à une discrimination croissante dans les espaces publics, notamment à des agressions de la part d’autres citoyen.ne.s et à des contrôles policiers fréquents. Ce racisme anti-Noir de l’État sert à contrôler l’espace public par le biais de points de contrôle, de profilage racial, de surveillance policière et de militarisation de la société, externalisant de facto les politiques des frontières dans la vie quotidienne.

Cette répression prospère dans un climat politique façonné par le soutien total de l’UE, qui externalise ses frontières vers la Tunisie et les pays voisins, un racisme structurel anti-Noir qui façonne l’application des lois en Tunisie, un système patriarcal qui contrôle et punit l’opposition, la différence et l’autodétermination.

Cette logique de frontières et de racisme s’applique aussi aux Tunisiens.nes à l’étranger. En Italie et à Lampedusa, les migrant.e.s tunisien.ne.s sont enfermé.e.s dans des centres de détention, subissent des attaques systémiques, des expulsions, et sont traité.e.s comme des criminels pour avoir cherché la liberté, la sécurité ou du travail. Nous refusons de reproduire ces actes dans notre pays par des politiques officielles ou un silence complice.

Notre vision

En Méditerranée, beaucoup disparaissent, leurs corps ne sont jamais retrouvés, leurs noms jamais prononcés. Des familles sur tout le continent africain et autour de la Méditerranée pleurent des proches perdu.e.s en mer. Ce n’est pas seulement une question tunisienne : c’est un système mondial où le droit de se déplacer, de survivre et d’aider les autres est écrasé par des murs et des cages.

En emprisonnant les militant.e.s qui résistent à ces injustices, l’État cherche à criminaliser le soin, les droits humains fondamentaux, la résistance et la dignité. Cette campagne veut clairement affirmer :

Le racisme est le crime. La solidarité ne l’est pas ! La solidarité est un chemin vers la liberté.

Nous appelons les personnes et camarades du monde entier à se mobiliser. Il faut mettre en lumière des liens et des schémas plus larges de répression racialisée et patriarcale auxquels font face, dans le monde entier, les personnes migrantes Noires et racialisées ainsi que les activistes antiracistes.

Nous exigeons :

  1. la fin de l’emprisonnement et des abus contre les personnes migrantes en Tunisie et à l’étranger, la fermeture des centres de détention, qu’ils soient dans des camps tunisiens ou à Lampedusa.
  2. l’activation et l’application effective de la loi tunisienne contre le racisme (Loi n°50) pour protéger tout le monde de manière égale.
  3. le retrait de toutes les déclarations racistes émises par l’État tunisien, la reconnaissance de la violence qu’elles ont causée et des excuses publiques à toutes les victimes.
  4. la protection et l’établissement urgent de routes sûres et légales pour les personnes migrantes et réfugiées à travers l’Afrique du Nord et l’Europe (Déclaration universelle des droits de l’homme, art. 13, 14 & 25).
  5. vérité et justice pour les personnes disparues en mer : les nommer, les retrouver et soutenir leurs familles.
  6. la fin de la criminalisation du travail humanitaire et solidaire en Tunisie.
  7. une solidarité mondiale, en particulier entre les communautés dans les pays du Sud, en reliant les luttes des personnes migrantes Noires en Tunisie, des migrant.e.s tunisien.ne.s en Europe, des migrant.e.s racialisé.e.s partout dans le monde et de toutes les personnes qui résistent à la violence des frontières et de l’externalisation des frontières à l’échelle mondiale.

Comment agir:

  1. Parlez-en : partagez ces histoires sur les réseaux sociaux, dans les bulletins d’information et dans vos espaces communautaires.
  2. Dénoncez cette injustice : contactez les organisations internationales et vos représentant.e.s locaux.ales pour exiger qu’iels fassent pression sur les autorités tunisiennes afin qu’elles libèrent immédiatement tous.tes les prisonnier.e.s de solidarité et de migration. Exigez que les institutions de l’UE et de l’ONU soient tenues responsables et qu’elles mettent fin à leur complicité par leurs financements ou leur inaction.
  3. Soutenez M’nemty et d’autres organisations antiracistes, de migrant.e.s et de réfugié.e.s en Tunisie : apportez votre soutien à l’organisation de Saadia, M’nemty, qui continue de subir du harcèlement. Suivez également le travail de Refugees in Tunisia, Refugees in Libya, La Voix des Femmes Tunisiennes Noires et le Forum Tunisien pour les Droits Économiques et Sociaux ; amplifiez leurs revendications et suivez leurs recommandations pour garantir leur sécurité.
  4. Organisez et manifestez : mobilisez des protestations, en ligne et sur le terrain, pour montrer votre solidarité avec les personnes Noires en mouvement en Tunisie et avec les prisonnier.e.s de solidarité comme Saadia, Abdallah, Sonia, Cherifa. Exigez leur libération immédiate.

Conclusion

La lutte pour la justice raciale et pour la liberté de circulation est la lutte pour toutes celles et ceux qui sont réduit.e.s au silence, emprisonné.e.s ou disparu.e.s. C’est aussi la lutte pour la personne migrante Noire emprisonnée en Tunisie sans aucune charge. C’est pour le.la Tunisien.ne enfermé.e dans un camp de détention à Lampedusa. C’est pour chaque famille qui attend des nouvelles d’un.e enfant disparu.e en mer.

Les frontières, les prisons et les lois racistes tuent, parfois vite, parfois lentement. Mais la blessure est la même partout.

Nous avançons vers un monde où le soin et la solidarité sont la norme, et non une exception punie de prison. Un monde où la liberté de circulation est garantie, où le soin et la solidarité sont célébré.es, et où la dignité comme la liberté appartiennent à tout.es.

Le racisme est un crime, la solidarité ne l’est pas !

Libérez Saadia, libérez Abdallah, libérez Sonia, libérez Cherifa, libérez-les toutes et tous !